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Oubli du cache pitot

Titre :
Oubli du cache pitot
Localisation :
Local
Date :
13/04/2024
Nature du vol :
Solo
Je suis :
Pilote
Nombre de machines :
1
Météo :
Dégats :
Non
Phase de vol :
Prévol
Catégorie :
1
Type d'aérodrome :
Ouvert à la CAP
ATC :
Aucun
Radio :
Oui
Type de machine :
TMG
Modèle de machine :
SF28
Transpondeur :
Aucun
GPS :
Non
Nombre d'occupants :
1
Statut :
Pilote
Âge :
18 à 50 ans
Expérience récente :
Moins de 5 heures
Expérience totale :
100 à 500 heures

Après une belle journée avec un premier vol planeur pur solo de début de saison de 50 minutes en Pégase et après avoir rentré les machines au hangar, on se rafraîchit, entre 17h et 18h pour fêter la réception de mon badge d’argent (soda sans alcool pour ma part).
Plein d’énergie de cette belle journée et pour profiter quasiment nul (environ 5km/h dans l’axe) en ce début de soirée, je décide de faire un tour en TMG SF28.
Le SF28 étant encore sorti – c’est la dernière machine que nous rentrons – c’est l’occasion d’en profiter d’autant plus que ce vol me permet de conserver mon expérience glissante des 3 vols dans les 90 derniers jours et donc mon emport passager.
La rentrée de cette machine au hangar étant cependant difficile seul, je m’informe des intentions de mes camarades qui m’indiquent qu’ils partent dans 20 à 30 minutes.
Je décide donc de juste faire quelques tours de piste et prévois une durée de 20 minutes maxi afin de profiter de leur présence pour rentrer la machine au hangar et clore cette belle journée.
Je fais ma prévol et suis agacé par des visiteurs qui se tiennent derrière la barrière, respectant donc les règles d’accès de l’aérodrome, mais en étant extrêmement bruyants et commentant les activités.
Un homme répète plusieurs fois très fort à son fils “mais si je te dis qu’il y a deux places”, en parlant de mon SF28 nécessairement car c’est la seule machine sortie sur le terrain et l’homme m’avait demandé si j’allais décoller juste avant que je commence ma prévol, à quoi j’avais répondu poliment “oui dans 5 minutes”.
Je m’installe dans la machine en place avant après avoir enlevé le parachute en place arrière, attaché les harnais, mis le coffre à bagages en ordre.
L’homme continue à dire très fort “mais si je te dis qu’il y a deux places”. Je me permets donc de couper court en criant à mon tour “oui je vous confirme il y a deux places” et cela met en effet fin aux perturbations sonores.
Je continue mes préparations, checklist, je prends aussi une photo de l’horamètre comme d’habitude. Je ferme la verrière, je démarre le moteur. Celui-ci est un peu capricieux et on le sait, surtout froid et quand il ne sert pas souvent: son dernier vol était mi-mars.
Je suis seul pilote sur le terrain et les autres sont encore au club-house. Cependant, un jeune pilote à l’oreille attentive et très sensible à la mécanique – il aime les moteurs – arrive et me fait signe de pomper avec la manette de gaz, ce que je faisais déjà, mais ces choses prennent du temps avec ces machines anciennes. Je refais un essai et enfin le moteur démarre. Je lui fais signe pouce levé et, rassuré par le doux ronronnement du moteur, il retourne au club house.
Je continue ma checklist pendant le préchauffage du moteur et une fois prêt, j’annonce mon roulage vers le point d’attente en service. Le roulage se passe sans souci à bas régime et je m’arrête au point d’attente. Je fais les dernières vérifications de la checklist, je règle l’alti au QNH, je vérifie le pas d’hélice, le régime moteur en maxi, bref tout ce qui est habituel.
Je m’annonce et m’aligne pour le décollage.
Je prends de la vitesse et je surveille mon alignement, mon régime moteur, … et la vitesse à l’anémomètre: pas d’indication.
Je tapote le cadran, parfois l’aiguille se bloque sur ces appareils, c’est le cas du cadrant de la température culasse dès fois, mais avec les vibrations pendant la chauffe moteur au sol, celui ci fini par se remettre et permet de continuer la procedure, j’avais déjà eu le cas lors d’un vol pendant mon instruction TMG et nous avions fini par avoir le cadran opérationnel pour entamer le roulage.
Cependant, je continue d’accélérer et je suis déjà en train de quitter le sol, et avec une assiette habituelle pour ce régime de vol, je suis donc certainement aux alentours de 70 km/h.
Je réalise alors que j’ai oublié d’enlever la flamme sur le pitot: c’est la raison pour laquelle je n’ai pas d’indication de vitesse.
Sauf que le terrain est très gras à cette époque, l’herbe fait encore 10 bons centimètres et déjà les décollages avec les planeurs derrière notre 180ch prenaient une distance assez longue.
Le temps d’analyse de cette situation m’a donc entrainé et j’évalue, encore du temps de perdu, que j’ai dépassé la limite d’interruption du vol si je ne veux pas me retrouver dans le champ en face.
Tous les autres paramètres étant nominaux et ayant une certaine habitude visuelle de l’assiette et une récente expérience du bruit moteur et aérodynamique de cet appareil, je décide de ne pas interrompre le vol et d’entamer immédiatement une vent arrière rapprochée.
Je fais la finale comme en planeur, moteur réduit afin de ne pas parasiter mes sensations de vélivole avec trop de bruit et de traction moteur.
L’atterrissage se fait donc presque dans les conditions de vol d’un planeur pur, et le fait d’avoir volé en Pégase juste avant et atterri sur la même QFU me donne confiance dans le fait que je suis capable d’apprécier la vitesse sur cette machine même sans indication sur le badin. C’est une situation pour laquelle j’ai été formé et je sais que le vol sans instrument est possible dans la mesure où j’ai en plus les conditions de vol plané.
Je me pose et remonte la piste, je rejoins le parking et éteins la machine puis je quitte la fréquence.
Je sors de l’appareil, je range mes affaires et mes camarades me rejoignent pour m’aider à ranger le SF dans le hangar.
Ils me demandent si ça a été et je réponds que “oui, mais j’ai gagné le droit de faire un REX”.
Débrief rapide de l’incident avec les instructeur encore sur place, un FI avion qui confirme que le control de la vitesse et l’interruption de vol aurait du être fait bien plus tôt et un FI planeur qui confirme l’intérêt du REX. Fin de la journée.

Cette situation est en effet truffée d’erreurs:
– En premier lieu, la prévol n’était pas correcte.
– j’aurai du redoubler de vigilance face aux perturbations. Éventuellement aller voir les personnes pour leur demander de faire moins de bruit.
– La contrainte temporelle avec mes camarades pour rentrer le SF28 au hangar m’a incité à ne pas m’attarder.
– Les conditions météo étaient très bonnes, j’ai donc probablement relâché un peu de vigilance.
– Le vol précédent en Pégase s’était très bien passé, mes reflexes et ma connaissance du pilotage étaient toujours là. J’étais confiant.
– La réception de mon badge d’argent a interrompu ma journée et ma concentration. Il a donc fallu que je me remette dans l’état d’esprit et dans le sérieux du vol une nouvelle fois.
– Cette reconnaissance de performance a pu également augmenter (très temporairement pour le coup) ma confiance en mes capacités de pilote.
– Le pilote qui est venu me voir n’a pas non plus vu la flamme sur le pitot de la dérive.
– Contrôle bien trop tardif de la vitesse: grande confiance en la machine, connaissant bien son bruit moteur et ayant apprécié la vitesse au juger grâce a l’habitude de piloter cet engin tout l’hiver, je n’ai regardé le badin que pour confirmer mon sentiment de vitesse, mais trop tard.
– Malgré une prise en compte initiale de l’état du terrain (je savais que le décollage serait plus long) j’ai été surpris par la distance restante lors de la détection du dysfonctionnement.
– La connaissance de la machine – et des soucis qui lui arrivent parfois – m’a fait sous évaluer le problème de badin et a allongé le temps de decision.
– Refus clair d’aller me mettre dans le champ en face compte tenu de son état et alors que tout le monde attend pour rentrer.

Les points positifs:
– Ma bonne formation a fait qu’à aucun moment je n’ai ressenti de panique, j’ai avant tout piloté et analysé la situation et je me suis concentré sur les decisions pour minimiser les risques.
– Malgré le retard de la decision initiale, une fois le problème reconnu j’ai ensuite pris rapidement les decisions pour me mettre en sécurité.
– Bonne connaissance de la machine permettant de rapidement reconnaitre que tout le reste était nominal et de connaitre mes marges d’action, et donc de piloter: si ca vole, on pilote.
– Reutilisation de mon experience de pilote planeur pur dans cette situation de vol moteur, la priorité à la gestion de la vitesse et minimisation de l’assiette à la montée. Selon mon estimation, je devais être en montée aux alentours de 120km/h (assiette visuelle, regime moteur plein gaz, petit pas et vz +1,5m/s), donc volontairement bien au dessus des 105km/h recommandés pour cette phase.
– Je n’ai évidement pas essayé de faire un vol normal malgré tout.
– Je suis monté juste assez pour faire une PTL très rapprochée.
– Compte tenu du fait que la machine volait parfaitement, ma faible hauteur et connaissant le plus grand risque de basse vitesse en vent arriere (même si le vent était faible) j’ai évalué la nécessité de ne pas prendre le risque de faire une contre QFU.
– Ma decisions de réduire les gaz et passer quasiment en mode planeur en finale et de minimiser l’impact moteur afin de rester au plus près de ma zone de confort de pilotage compte tenu de l’absence de l’indication de vitesse.
– J’ai gardé mes sentiments de regret et de déception envers mon comportement qui a provoqué cet incident pour après le vol (là, en écrivant ce REX, je m’en veut de pas avoir regardé ce badin bon sang)

Enseignement:
– Le petit vol en plus en fin de journée n’est pas anodin.
– Aucune interruption ni distraction pendant une prévol.
– Les contraintes temporelles des camarades, les impératifs règlementaires (faire le vol pour garder la validité de mon emport passagers) sont des amplificateurs de risque.
– Aucun défaut d’instrument n’est négligeable.
– Je ne sais pas vraiment quoi penser du refus d’aller dans le champ en face qui était l’unique alternative. J’ai encore le sentiment que ce n’était pas la meilleure option compte tenu des paramètres nominaux du vol en dehors de l’indication de vitesse par le badin. À part le désagrément de devoir aller cherche un SF28 dans un champ, le risque de dégâts matériels me semble encore maintenant assez élevé compte tenu de l’état de la terre à cette saison: champ labouré profond et gras. J’étais passé devant en vélo en venant en me disant justement, que c’était bien de passer devant ces champs en bout de piste car ça permettait d’évaluer leur état en cas d’urgence. Je connaissais donc parfaitement l’état de l’alternative.
– L’habitude et la confiance ne doivent pas se substituer aux contrôles effectifs: vérifier la vitesse au badin et non pas à la vitesse des moustiques qui viennent se coller sur la verrière…
– Si ça vole on pilote.
– La formation au pilotage sans regarder les instruments, en planeur comme en TMG, permet de garder son sang froid et de piloter.

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